Pangio  kuhli

 Acanthophthalmus Kuhli meyersi ou depuis 1992 Pangio kuhli.
ou    P . semicincta

Ordre Cypriniformes.
Sous ordre Cyprinoidei.
Famille: Cobitidae.
Genres: Acanthophtalmus ( Pangio depuis 1992).
Synonyme Loche serpent, loche épineuse.

Un poisson d’aquarium parmi les plus étranges… ni un vers ni un serpent mais un Kuhli ! Avec son caractère accommodant, il peut cohabiter facilement avec de nombreuses espèces. Importé depuis le début du XXè siècle par des marchands allemands, le Pangio kuhli fait partie de la famille des Cobitidés qui compte une centaine d’espèce et qui ne se rencontre qu’en Europe, dans quelques points au nord de l’Afrique ( au Maroc et en Ethiopie), et surtout en Asie, mais qui n’a curieusement aucun représentant ni sur le continent américain ni en Australie.

Sept genres forment cette famille, mais seuls 3 concernent les aquariophiles : les Acanthophthalmus qui sont originaires d’Asie : les Kuhli dont il est ici question, les Acanthiopsis qui ne comptent qu’une seule espèce et surtout les Botia, qui sont installés dans une bonne partie de l’Asie du sud-est, y compris l’Indonésie et Bornéo…

Les Pangio kuhli sont originaires de l’Asie du sud-est, plus particulièrement de la partie méridionale de la Malaisie, dans les îles de Sumatra et Java ainsi qu’à Bornéo et dans le sud de la Thaïlande. On en pêche quelques espèces aussi dans les rivières du nord du Bengale et dans la région de Singapour.

Il existe de nombreuses variétés, diverses sous-espèces qui ont plus ou moins les mêmes exigences mais se différencient par leurs pigmentations variées.

Outre les Acanthophthalmus kuhli myersi qui sont originaires de Thaïlande et préfèrent les eaux douces et légèrement acides, on trouve plus ou moins régulièrement dans les bacs des marchands :

Des Pangio kuhli sumatranus, qui présentent des bandes noires nettement plus larges et moins nombreuses.

Des Pangio anguillaris, qui n’ont pas de rayures.

Des Pangio kuhli rubiginosus, espèce de plus petite taille qui atteint rarement les 4 cm et possède 20 barres noires.

Des Pangio kuhli semicinctus dont seul le dos est tacheté.

Des Pangio kuhli shelfordi, qui ne présente pas de rayures, mais une longue ligne noire horizontale sur les flancs.

Et quelques autres variétés plus rarement importées et donc peu disponibles dans les magasins.

Ces poissons sont souvent trouvés en nombre très important dans les cours d’eau peu profonds, qui ont peu de courant et un fond sablonneux recouvert d’une bonne épaisseur de vase et de sédiments…

Ils ont la silhouette sinueuse d’une anguille, un corps svelte, allongé et de forme cylindrique. Leur taille peut atteindre 8 à 10 centimètres, les plus grandes femelles pouvant mesurer jusqu’à 12 cm.

Leur nageoire dorsale est située très en arrière, presque à la verticale de la nageoire ventrale. Les yeux sont petits, cerclés de jaune et recouverts par une peau transparente qui les protège et leur évite des lésions lorsque les poissons s’enfouissent dans le sable ou les sédiments du fond. Sous les yeux se trouve une épine érectile, osseuse et qui peut griffer facilement la main de l’aquariophile qui tente d’attraper un Kuhli ou qui peut rester coincée dans le filet ou l’épuisette lors de la capture. Cette épine leur sert d’arme et les protège des prédateurs.

Leur museau est arrondi, sous la bouche, qui est petite et en position infère se trouvent 3 paires de barbillons ; la mâchoire n’a pas de dents, les narines postérieures se présentent comme des simples orifices ronds, tandis que les narines antérieures ont une forme tubulaire ; la tête est dépourvue d’écailles. Les Pangio possèdent comme d’autres membres de leur famille ce que l’on nomme l « appareil de Weber « , qui leur permet d’améliorer la perception des sons et des vibrations dans l’eau .Il s’agit d’une chaîne d’osselets, qui relient l’oreille interne à la vessie natatoire, et qui servent de caisse de résonance et qui amplifient les sons. Comme les rivières où vivent les Kuhli sont souvent vaseuses et la visibilité limitée à quelques centimètres, ils utilisent cette sensibilité particulière pour se déplacer et se situer plus aisément.

La couleur de base de corps est beige rosé tirant plus ou moins sur le jaune, strié d’une quinzaine de barres verticales brunes foncées. Le ventre est uniformément clair et ne présente pas de rayures. La première bande sombre recouvre le nez, la seconde passe par-dessus les yeux, les suivantes découpent régulièrement tout le corps, y compris sur la queue.

Les écailles qui couvrent leur corps sont petites et profondément enfoncées, recouvertes d’un épais mucus qui joue un rôle dans la protection de leur épiderme lorsqu’ils s’ensablent.

Comme d’autres poissons qui vivent dans des milieux parfois pauvres en oxygène ( par exemple les Gouramis, Betta et autres Colisa qui ont développé un  » labyrinthe « ) les Kuhli ont aussi mis au point un moyen de respirer dans des zones peu oxygénées. Ils possèdent un système de respiration annexe, qui leur permet d’absorber l’air par les parois de l’intestin, un peu comme les Corydoras…

Maintenance

Les Pangio sont inféodés au substrat ce qui signifie qu’ils vivent au raz du sol, sur le fond et qu’ils sont même souvent carrément enfouis dans le sable. La hauteur d’eau du bac importe peu, il vaut mieux leur offrir un bac large et profond plutôt que haut. La surface au sol est donc à privilégier. Ce sont des poissons grégaires qui doivent impérativement être maintenus en groupe de 6 ou 8 individus et même plus nombreux si on veut les voir quelques fois dans la journée. Gardé seul ou par paire, un Kuhli se cache en permanence, ne sortant qu’à la nuit très brièvement pour des incursions à la recherche de sa nourriture.

Si on veut voir des Kuhli se comporter  » normalement  » il est bon d’en regrouper une douzaine au moins, pour leur permettre de retrouver les comportements sociaux qui sont les leurs dans la nature et d’établir une sortie de hiérarchie à l’intérieur de leur banc. En petit groupe les Kuhli sont plus rassurés et se montrent facilement. On les voit enroulés les uns aux autres, entassés et emmêlés et installés à l’ombre. Ils sont très habiles pour sinuer entre les plantes, sous le décor, à travers les racines et les éboulis.

Il est indispensable de leur fournir un sol meuble, dans lequel ils puissent s’enfouir sans risquer de se blesser. Un sol composé de quartz tranchant est donc à proscrire pour un aquarium où l’on désire héberger des Kuhli, il faut choisir un sable doux et fin dans lequel ils puissent s’enterrer et ne pas mettre du gravier ou des petits galets. De nombreuses cachettes, noix de coco, racines et branchages entremêlés, éboulis, poteries diverses sont nécessaires à leur confort ! Ils apprécient particulièrement les tubes en PCV à demi enterrés et viennent volontiers s’y cacher.

J’en garde un groupe de 10 dans un bac de 120L. ils sont tout le temps ensemble, en tas et en peloton , sous les feuilles ou proches de l’ombre mais n’hésitent pas à rester en pleine vue, sans crainte pour manger. Ils ont d’excellentes relations avec les autres poissons : ils ne s’en occupent absolument pas !

Attention ! ce sont les rois de l’évasion ! Ils profitent de tous les interstices pour sortir de l’aquarium. Ils suivent les câbles électique et les tuyaux. Ils se faufilent aussi dans les tuyaux s’il n’y a pas de crépine, on les retouve souvent dans le filtre ou dans la décantation, mais ils ne sautent pas.

Différences sexuelles.

Les mâles sont plus minces que les femelles qui présentent parfois un ventre énorme quand elles sont pleines d’œufs. Par transparence on peut les voir avant la ponte.

photo tirée de http://www.aquaticplantcentral.com/

Les mâles ont généralement des nageoires pectorales plus grandes, plus larges et tachetées de noir, dont le 2ème rayon est allongé et épaissi. La maturité est assez tardive, il semble que les Kuhli ne soient complètement adultes que vers 2 ans.

Leur reproduction constitue un grand défi pour les aquariophiles passionnés. Peu nombreux sont ceux qui ont obtenu volontairement des jeunes sujets en aquarium. Mais  il a assez régulièrement des reproductions spontanées et on trouve 2 ou 3 jeunes qui grandissent parmi les autres, sans avoir réalisé qu’il y avait eu une ponte.

A l’état sauvage dans l’île de Java ils se reproduisent au mois de décembre et janvier. Les reproductions observées en aquarium sont rares et la cause de leur déclenchement est inconnue. On assiste quelques fois à des parades, ils nagent rapidement flanc contre flanc, après un changement de la pression atmosphérique. On a parfois trouvé des alevins dans des grands bacs où vivent un nombre important de Kuhli, après une chute de température jusqu’à 18 ou 20 degrés lors d’un important apport d’eau neuve. Ils semblent se reproduire spontanément dans les aquariums peu peuplés et peu entretenus, où les changements d’eau sont espacés et les intreventions plutôt rares.

Chez les professionnels, la reproduction est obtenue très régulièrement depuis 1975 en injectant en intramusculaires des hormones (gonadotrophines) ou des extraits d’hypophyse de carpe aux femelles pleines. Dans les aquariums de reproduction, l’eau est à une température de 26 degrés, le pH est à 6,7 et la dureté inférieure à 12KH.  Pour provoquer des pontes il suffit parfois d’abaisser lentement la dureté de l’eau et de diminuer l’intensité de l’éclairage.

Pendant le frai les poissons nagent rapidement, en se tortillant, serrés l’un contre l’autre tout près de la surface. Ils provoquent des vagues et des remous qui dispersent les œufs et la laitance dans tout le bac puis plongent brusquement au fond pour remonter et recommencer leur manège. Une ponte peut durer 2 à 4 heures. La femelle expulse jusqu’à 1000 ovules, mais généralement elle en produit 300 à 500 ; Les œufs mesurent 1 mm environ, ils sont très adhésifs et ils se collent sur des plantes. Après la ponte les parents sont retirés du bac de reproduction qui est mis à l’abri de la lumière et dans le quel il est sage de verser quelques gouttes de Bleu de Méthylène pour prévenir l’apparition de moisissures.

En aquarium on a parfois des femelles pleines d’oeufs qui ne parvienent pas à pondre et qui meurent.

L’incubation dure 24 heures à 25 degrés, à leur naissance les alevins qui mesurent 1,2 à 1,5 mm présentent des branchies extérieures ressemblant à des plumes qui disparaissent après une quinzaine de jours ainsi qu’un important sac vitellin. Trois jours plus tard ils sont nourris avec des infusoires, des nauplies de cyclops et d’artémias, des micro-vers ainsi que des poudres pour alevins. On voit les yeux des alevins dès le 5ème jour. Ils mesurent 5 à 7 mm à l’âge de 10 jours. L’apparition de la coloration se fait 12 à 15 jours après la naissance, à un mois les alevins mesurent environ 1 cm.

Alimentation.

Il ne faut pas penser qu’ils vont se nourrir des restes laissés par les autres poissons ! Les Kuhli apprécient les nourritures vivantes, plus particulièrement les proies vermiformes comme les vers de vase, tubifex, larves de moustiques vivantes ou congelées. Les comprimés de fond sont grignotés ainsi que les paillettes ou granulés, mais nettement moins appréciés que les nourritures carnées et vivantes.

Au moment des distributions de nourriture il faut donc prévoir de donner à manger à 2 ou 3 endroits dans le bac pour qu’un assez grand nombre de tubifex ou de larves de moustiques puissent parvenir sur le sable et pour éviter que les autres poissons du bac n’engloutissent tout avant que les habitants du fond puissent attraper quelque chose ! On les voit parfois monter vers la surface attraper des vers de vase ou des enchytrées, mais généralement au moment des repas, si l’excitation les gagne ils restent sur le fond en attendant que ça tombe… Ils passent une bonne partie de leur temps à explorer le sol à la recherche de nourriture. Les indispensables apports végétaux peuvent être faits sous forme de concombre, courgette, salade ou épinards légèrement bouillis. On rapporte aussi certains cas où les Pangio ont mangé et détruit des planaires.

L’idéal est de leur donner plusieurs petits repas répartis le long de la journée et surtout en soirée et même de temps en temps après l’extinction des lumières de l’aquarium et ne pas se limiter une seule distribution.

Paramètres du bac.


La température idéale est comprise entre 24 – 28 degrés, mais ils peuvent supporter sans souci des pointes à 30 degrés pendant les chaleurs de l’été.Idéalement le pH devrait être situé entre 6.5 et 7.0. La dureté d’eau entre 12 -18 TH mais ils tolèrent quelques écarts. Dans des bonnes conditions ils vivent facilement plus de 10 ans , on en connaît même qui ont atteint 15 ans en aquarium !

Ils s’adaptent assez facilement à d’autres paramètres.( pH de 5,5 jusqu’à de 7,5, dureté jusqu’à 20 TH ) par contre ils n’apprécient pas du tout une trop grande lumière et restent à l’ombre, sous les feuilles ou sous les pierres du décor si l’intensité lumineuse les dérange.

On ne les voit sortir alors que le soir lors de l’extinction des tubes néons et s’activer pendant la nuit. Ce sont des poissons crépusculaires, aimant rester cachés sous les plantes ou les racines en ne laissant dépasser que la tête.

Pour éviter qu’ils soient gênés par la lumière il faut laisser les tiges et feuilles des plus hautes plantes se coucher à la surface de l’eau ou installer des plantes flottantes, des Pistia, des Salvinia ou quelques tiges libres de Ceratophyllum qui font de l’ombre. On peut aussi choisir de faire un aquarium planté d’espèces peu exigeantes, comme des Anubia, des Microsorum, de la Mousse de Java, des fougères de Java, ainsi que d’autres plantes qui apprécient l’ombre comme les Cryptocorynes et d’installer qu’un ou deux tubes fluorescents pour avoir une intensité d’un Watt pour 3 ou 4 litres d’eau. Avec cette lumière douce et tamisée les Pangio seront plus à l’aise et donc se montreront plus volontiers.

 

Population suggérée .
Pour un bac communautaire de type asiatique de 250 litres à 25° degrés.
Une dizaine de Rasbora heteromorpha qui occupent la partie haute du bac, une douzaine de Pangio Kuhli qui restent sur le fond, un couple de Colisa lalia ou chuna ou un couple de Gourami ,un banc de 6-8 petits Barbus, quelques Otocinclus

Voir aussi la page consacrée au biotope sud-asiatique 

Ce texte a été écrit pour le numéro 189 de février 2002 d’Aquarium Magazine © Véronique Ivanov