http://www.ivanov.ch/divers/des-beaux-aquariums/pv-2.pdf L’article en pdf , écrit pour le journal Aquarium à la Maison n° 73
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Outre leur aspect esthétique, les pierres vivantes présentent Le décor de la plupart des aquariums marins peuplés de coraux est composé de roches vivantes. Il ne s’agit pas d’un simple empilement de cailloux, mais de pierres sélectionnées : squelettes de coraux morts, concrétions de roches, pierres sédimentaires. Tirées directement de la mer, brièvement nettoyées, elles sont conditionnées afin de rester humides : le but est de recevoir des pierres qui portent encore de petits animaux vivants et surtout des bactéries épuratrices. Ce sont elles qui vont assurer le traitement de l’eau, avec l’aide de l’écumeur dans la méthode berlinoise. Elles jouent un rôle important dans l’équilibre de l’aquarium, c’est donc une mauvaise idée d’essayer de faire des économies lors du démarrage en achetant de pierres sèches, mortes, d' »occasion » qui peuvent être chargées de nitrates, phosphates, et saletés diverses… et qui pourriront le bac assez rapidement . Des roches de belle qualité plus ou moins poreuses, permettent d’ensemencer l’aquarium en y apportant une vie très diversifiée qu’il n’est pas possible d’acheter en magasin : de nombreuses bactéries et micro-organismes, de petits crustacés, copépodes et amphipodes ainsi que diverses éponges, des mini-ophiures et étoiles de mer, des vers détritivores, mais souvent aussi des bestioles indésirables. Dans un bac « récifal », elles sont à la fois le rein et le poumon, support de nombreuses bactéries, autant celles des zones aérobies et responsables de la nitrification, que celles qui vivent au cœur des pierres, en zone anaérobie, bactéries qui vont consommer les nitrates dès leur apparition pour en utiliser l’oxygène, et qui vont ainsi contribuer à leur élimination et à la bonne qualité de l’eau. Différentes provenances La porosité fait la qualité d’une roche. Des pores fins pour les bactéries, des fissures et fentes pour une bonne circulation de l’eau, des cavités pour les copépodes et vers. Il faut donc de gros et de petits trous pour favoriser les échanges entre le cœur de la pierre et sa surface. Des pierres sont qualifiées en « grades » selon leur qualité et la quantité de vie qu’elles hébergent : du gros caillou lourd et massif aux roches bien poreuses, légères, couvertes de coraline, d’al- gues supérieures et parfois même de coraux. Des pierres « Premium » sont vendues plus cher, jusqu’à 25€/kg. Des pierres « grade A » expédiées de Jakarta, Indonésie, valent de 12 à 20€ le kilo , une fois arrivées en Europe. Les plus belles se vendent parfois à la pièce, surtout quand elles portent des coraux. Selon la provenance et la qualité, le prix peut varier du simple à plus du double : de 8€ à25€/kg. En Indonésie par exemple, les pierres sont vendues entre 1 € et 2,50 € le kilo, leur prix grimpe ensuite à cause des frais de transport, des taxes, des permis… On paye essentiellement le transport ! |
Porosité d’une roche vivante d’Indonésie, haute qualité : 25 %.
Porosité d’une roche vivante de Méditerranée : 5 %.
Les pierres vendues en Europe proviennent souvent d’Indonésie et de l’océan Pacifique. Les roches vivantes d’Indonésie, exportées de Jakarta, sont souvent des squelettes de coraux Acropora et Porites qui présentent des formes variées et portent beaucoup de vie.
Les roches les plus riches et les plus décoratives arrivent de Polynésie et des îles Fidji ; elles sont cher, mais couvertes d’algues calcaires bien colorées et présentent des formes intéressantes au lieu d’être de simples cailloux ou des blocs massifs. Elles sont rares sur le marché européen.
Les pierres des Caraïbes sont rarement disponibles en Europe, mais intéressantes, car elles apportent une variété différente de vie. Ce sont essentiellement des fossiles d’Acropora palmata, très denses donc peu colonisés par les bactéries nitrifiantes.
On trouve parfois des pierres expédiées d’Egypte. Attention : ces roches ne proviennent pas de la mer Rouge qui interdit la plupart des exportations, mais sont prélevées en Méditerranée, ce qui est moins intéressant pour un aquarium récifal tempéré.
Les pierres originaires du Kenya sont de qualité inférieure, rondes, lourdes et massives, elles peuvent servir comme décor de base pour un grand bac, mais sont peu poreuses.
Il est illégal de prélever des roches dans la mer, pour ceux qui vivent près des côtes européennes. La structure des pierres est intéressante, mais les animaux, coraux, invertébrés qu’elles hébergent ne sont pas adaptés à la température de nos aquariums récifaux et mourront à 25 °C, ce qui polluera le bac au lieu d’enrichir sa microfaune.
Les alternatives
Actuellement, des pierres sont fabriquées pour les aquariophiles avec un mélange de ciment et d’aragonite. Ces pierres limitent les prélèvements dans le récif. Immergées pendant plusieurs mois, elles se couvrent de coraline, sont colonisées par des micro-organismes et présentent quasiment les mêmes avantages que des squelettes de coraux ou les morceaux de roches prélevés sur les récifs. Attention de ne pas acheter de pierres artificielles de second choix qui ne sont que des blocs de ciment, dont la structure interne très dense ne peut pas être colonisée par les bactéries. Les « Aquaroches » sont des décors synthétiques en céramique poreuse à assembler selon ses goûts, plateaux, piliers… All-Marine fabrique des roches artificielles en résine, vendues sous le nom Repliqua, qui permettent de camoufler les pompes de brassage, ou de surélever le décor ; elles ne remplacent pas la roche vivante « biologique », mais peuvent être disposées dans un aquarium peuplé exclusivement de poissons. |
Empiriquement, il faut prévoir 10 à 15 kg de pierres vivantes pour 100 L, sachant que toutes les roches n’ont pas le même poids, ni la même densité : selon leur origine, elles sont plus ou moins légères, percées de cavités, composées de matériaux plus ou moins durs et lourds. La qualité de la structure poreuse des roches per- met leur bon fonctionnement à long terme. Sélectionner des pierres de formes variées, des blocs et des plateaux qui permettront de mettre en place un décor aéré ; éviter l’alignement de grosses masses régulières. Il peut être intéressant de prévoir des surplombs ou des arches pour placer des coraux qui apprécient l’ombre (éponges ou Tubastrea) et installer horizontalement des pierres plates pour y placer ensuite les boutures de coraux. Rejeter les pierres qui présentent trop de trous et de cavités inaccessibles, elles seront rapidement remplies de déchets et de restes de nourriture qui favoriseront les algues ; les sédiments s’y accumuleront, sources de phosphates, et il sera difficile de les aspirer pour les retirer. Surélever les pierres vivantes avec divers supports, au lieu de les poser sur le sable, permet d’aspirer plus facilement les sédiments et évite l’eau stagnante. Si les pierres ne sont pas surélevées, il faut impérativement les poser sur la vitre du fond et non sur le sable. Si des poissons, crevettes ou autre fouisseur venaient à creuser, ils risqueraient de faire ébouler le décor, ou de se retrouver coincé dessous ! Un peu de ménage Idéalement, un magasin vend les pierres le jour de leur arrivée, juste sortie des cartons de transport ou même par carton entier non déballé. Ce sont des pierres « fraîches », pleines de vie, variées, plus ou moins décomposées, mais sur lesquelles il y a des trouvailles intéressantes à faire et des intrus à éliminer soigneusement : crabes, vers… Il est possible aussi d’acheter des pierres « acclimatées », c’est-à-dire stockées en magasin, dans une cuve d’eau salée brassée et éclairée. L’éclairage permet aux coraux et invertébrés de survivre et évite leur dégradation. Si le brassage et l’écumage sont insuffisants, les organismes qui ont survécu au transport mourront. Il faut privilégier des pierres récemment arrivées. L’ouverture du carton qui vient d’arriver réserve des surprises : tout d’abord l’odeur de plage à marée basse ! Il est utile de mettre de bons gants, les pierres vivantes sont gluantes, et certains organismes peuvent être irritants. Ce qui n’a pas survécu aux heures de voyage est en putréfaction, les algues se décomposent, et les premières couches grises de bactéries apparaissent… Rincer les roches avec de l’eau salée à température ambiante. Puis bien les inspecter sous tous les angles, en les disposant par exemple dans la baignoire ou sur un grand plastique, pour reconnaître les organismes à moitié morts à éliminer, et pour découvrir les invertébrés qui peuvent reprendre leur développement. Avec une lampe de poche, inspecter les creux et trous et déloger les indésirables à l’aide d’un tournevis, d’une pique ou d’une fourchette. Il faut aspirer soigneusement tous les sédiments. L’apparition de petits oursins, de crabes ou de vers peut se produire longtemps après l’introduction des roches fraîches : arrivés sous forme larvaire, ces animaux mettent plusieurs mois à se développer. Les petites étoiles de mer, les escargots, Stomatellas, certains coquillages, les vers polychètes (vilains, mais utiles) peuvent être conservés et remis à l’eau. Les algues coralliennes roses et rouges repartiront et se développeront rapidement. Avec un peu de chance, on trouve divers coraux sur la surface des pierres, des Xenia, et Clavularia, des polypes de Zoohantus, des petits bouts de coraux encroûtants, Montipora ou parfois Acropora. |
La diversité bactérienne
Sur le long terme, la diversité de la vie bactérienne et des microorganismes a tendance à diminuer et tend vers une monoculture, car certains organismes ont pris le dessus. Il peut être très intéressant d’insérer quelques pierres fraîches dans un aquarium qui tourne déjà depuis des mois ou des années. Ajouter régulièrement un à deux kilogrammes de roches peut permettre de maintenir la diversité bactérienne dans ce système clos qu’est un aquarium. Par contre, l’introduction massive de roches non acclimatées causerait un bouleversement du milieu.
Les pierres filtrent l’eau de l’aquarium et contribuent à stabiliser le pH. Invertébrés, petits crustacés, et poissons aiment s’y cacher, et en plus d’être décoratives, elles sont utiles. Ce serait dommage de s’en passer pour installer un bac marin !
Texte : Véronique Ivanov.
Photos : Véronique Ivanov et Frédéric Fasquel.
CITES
La convention sur le commerce inter- national des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES, du sigle anglo-saxon) est un accord intergouvernemental signé en 1973 à Washington.
Les pierres doivent posséder un CITES d’export. L’importateur doit archiver tous les documents et fournir les numéros CITES aux commerçants et aux acheteurs.